25 juillet 2022
Architecture : du confinement à l’éveil des consciences

Certains ont vu dans la crise sanitaire l’occasion de dénoncer une logique néolibérale n’ayant d’autre ressort que le rapport coût/bénéfice. Le ralentissement de l’économie durant ces deux années a suscité chez beaucoup d’entre nous des formes de consommation nouvelles, une volonté d’éthique environnementale et une quête d’équilibre social. Elle a invité l’ensemble des travailleurs à s’interroger sur le sens du labeur et la notion d’accomplissement personnel.

Si la fermeture des chantiers en 2020, puis les mesures de distanciation imposées par la pandémie semblent appartenir au passé (nous l’espérons), elles ont néanmoins fait bouger les lignes de toutes les activités professionnelles, y compris l’architecture. Chez 2DLC, nous avons provisoirement appris à communiquer et coordonner à distance, à choisir « sans toucher », à développer de nouvelles formes de collaboration avec les corps d’état. Les réunions entre protagonistes des projets, principalement réalisées par visioconférences, ont tout à coup gagné en concision, en efficacité. Les directives aux entreprises générales et aux artisans, transmises sur le même mode, ont nécessité une clarté accrue, un soin particulier dans l’explicitation des modes de construction et d’installation.

Quel enseignement ai-je moi-même retiré de cette expérience ? Outre le rappel de la vulnérabilité du genre humain, j’ai pu observer le bénéfice de la réorganisation du travail, dans l’économie des déplacements et la quiétude de la réflexion à distance. Bien sûr, la collaboration en présentiel reste une priorité, mais le télétravail partiel constitue dorénavant un socle irréversible dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Le secteur de l’architecture et de la construction est donc prêt à vivre son évolution numérique, aussi sur le terrain. Pour autant, je demeure vigilant sur le mirage du transfert de responsabilité au BIM. Il est important que la machine reste au service de l’homme. Sans quoi, nous y perdrions le sens de l’essentiel : l’esprit, dont la machine est dépourvue.


Immeuble Casaï. L’esthétique face au statut

Grâce à la remarquable capacité d’adaptation des professionnels suisses du bâtiment, le projet d’immeuble de l’avenue Louis Casaï, principale artère genevoise menant à l’aéroport de Genève, et sur lequel j’ai travaillé pendant six ans, s’est achevé avec le seul retard imposé par la pandémie. Ce chantier s’est bâti sur une vision antagoniste de l’habitat-statut. Le maître d’ouvrage et l’architecte se sont entendus sur le renoncement à tout marqueur esthétique en façade susceptible de différencier appartements sociaux et PPE. Les matériaux utilisés à l’extérieur comme à l’intérieur sont les mêmes pour les deux catégories de logements, avec un identique souci de qualité. Là aussi, si la préparation et les carnets de détail ont provoqué un surcroît de travail pour notre studio, nous avons néanmoins constaté que les nouveaux modes de collaboration à distance fonctionnent bien lorsqu’on accepte les nouveaux paradigmes d’intelligence organisationnelle.


Établissement scolaire au Pérou. L’esthétique face aux moyens

L’architecture est indissociable de la notion de bonheur, de bien-être tout au moins. Ayant eu le privilège de suivre récemment la construction d’une école pour enfants et adolescents défavorisés au Pérou, pour un budget limité et sans commune mesure avec nos « standards » helvétiques, je m’interroge sur cette part d’architecture obsédée par le cliché esthétique final, quand ailleurs, l’urgence est d’un autre genre.
Je garde la certitude que notre profession ne vaut que lorsque la forme ne s’impose pas en mobile au détriment de la fonction. Les formidables avancées écologiques sur les matériaux, mais aussi et surtout l’enjeu environnemental, nous donnent maintenant un rendez-vous de sobriété. L’architecture en sera l’un des moyens d’expression, dans la considération de la nature comme entité active, bienfaitrice et non pas pourvoyeuse à fonds perdu.


Gilles Degaudenzi, Associé 2DLC